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L’ENTRE MONDE

Galerie Espace à vendre, 2017

 

L’entre monde est le titre d’une série de dessins au feutre d’Emmanuel Régent où figurent des bateaux qui sombrent. Des cargos, navires de guerre ou yachts en déperdition qui font sans doute référence au cynisme du monde capitaliste et à ses débordements.

Les enjeux géopolitiques, migrations, guerres auxquels l’artiste fait allusion s’inscrivent dans son engagement du dessin qui, au-delà du choix des sujets, fait l’éloge de la lenteur par la technique utilisée. Emmanuel Régent dessine avec un feutre fin en remplissant de hachures les surfaces de papier durant des centaines d’heures.
« Des petits traits noirs, des petits points, des petites tâches jusqu’à l’obsession pour infiltrer le réel et le peler à l’os jusqu’à l’âme. L’artiste n’est ni désabusé, ni ironique, ni cynique, il est dans la croyance. Sur cette seule distinction, je suis incliné à l’admirer. » (Rudy Ricciotti à propos du travail d’Emmanuel Régent in Pendant qu’il fait encore jour aux éditions Somogy.)

Il ne s’agit pas d’un positionnement moralisateur, mais seulement d‘un état des choses, une conscience de l’actualité traduit dans son travail par la « beauté » du drame.
« Ce qui m’intéresse, c’est la limite avant la perte, juste avant l’effondrement complet de l’immeuble, de la file ou du navire. Ce moment de suspension juste avant de sortir de la ligne de visibilité, un dernier instant de conscience avant d’être absorbé par la disparition et de passer ailleurs pour parfois sombrer. »

La série de dessins Pendant qu’il fait encore jour représente des villes contemporaines en ruines et des vestiges archéologiques qui font également allusion au romantisme pictural mais aussi à la culpabilité que génère la beauté des images de catastrophes. Les dessins d’Emmanuel Régent, au rendu volontairement lacunaire, font référence à la melancholia des vanités mais aussi à l’horrible fascination ressentie face aux drames perçus à travers nos écrans.

« Les personnages de mes files d’attente sont disciplinés, peut-être postés devant un musée ou un cinéma, mais ils pourraient aussi faire référence aux plus sombres heures de l’histoire. C’est ce basculement potentiel qui m’intéresse, ce rapport à l’incertitude et à la fragilité du visible. Je pratique le dessin avec un intérêt particulier pour ce qui représente la lenteur, la disparition ou l’absence, je dessine presque quotidiennement des files d’attentes, des montagnes, des manifestations, des ruines ou des rochers de bord de mer. J’essaie de construire des échappatoires, d’organiser des fuites, d’ouvrir des sorties par le blanc du papier ou de creuser des accès vers la couleur en ponçant la peinture. Mon travail s’inscrit dans la lenteur, le manque, je tente de construire des espaces de suppositions, de divagations ou d‘égarements. »